Méthodes pédagogiques

Les 5 principes de la pédagogie Freinet

Pour nourrir sa réflexion critique sur l’école et l’aider à penser une autre éducation dans une autre société, Célestin Freinet dispose au moins de 5 principes de la pédagogie Freinet :

  • Le tâtonnement expérimental.
  • L’expression libre par l’imprimerie à l’école.
  • Coopérative scolaire.
  • Les apprentissages fondés sur des situations ≪ vraies ≫.
  • Liberté et autonomie.

Les principes de la pédagogie Freinet

1) Le tâtonnement expérimental

Le tâtonnement expérimental est bien au cœur de toute méthode naturelle.

Méthode naturelle et tâtonnement expérimental ne sont donc pas deux entités de la Pédagogie Freinet alternatives, successives… l’une générale, l’autre ponctuelle. Le tâtonnement expérimental n’est pas « un mécanisme mental à part » puisqu’il est un processus de traitement de l’information, présent dans toute activité mentale de l’apprenant : « l’action » (au sens large).

Les méthodes naturelles consistent à créer le milieu, à organiser les apprentissages, tant sur le plan individuel que collectif, à faire s’organiser la coopérative de production de savoirs, en facilitant les relations, de nature systémique, entre la vie scolaire et la vie environnante, grâce aux techniques d’expression, de création, de recherche, de communication et aux outils pour les servir, selon le modèle interactif entre les deux voies d’apprentissage heuristique et didactique.

Les méthodes naturelles « à l’écoute du vivant » Ainsi, ces confrontations avec des réflexions philosophiques sur l’éducation et les apports des sciences cognitives, nous éclairent et nous confortent, encore une fois, dans cette conception des méthodes naturelles d’apprentissage, à la fois méthodes actives, bien sûr, méthodes globales initiales, motivantes, donnant tout son sens à l’apprentissage, fondées sur la créativité, mais sans exclure cependant des démarches analytiques et synthétiques de traitement de l’information, par le processus, toujours présent, du Tâtonnement Expérimental, dans l’élaboration des savoirs et savoir-faire. S’enracinant dans l’environnement et le vécu de l’apprenant, une méthode naturelle génère une dynamique qui en fait, effectivement, une méthode vivante.

2) L’expression libre par l’imprimerie à l’école

Freinet introduit l’imprimerie dans sa classe à la rentrée 1924. Cet outil est la véritable clef de la transformation de son enseignement. Il y occupe une position de dispositif nodal, parce qu’il permet de tenir ensemble la satisfaction d’exigences essentielles de l’éducation nouvelle et de l’école du travail d’une part, et la pratique canonique de l’école primaire française — le travail sur des livres — d’autre part.

On peut désormais organiser le travail autour d’intérêts forts des enfants, réconcilier l’école avec la vie et avec le milieu naturel, s’ouvrir à l’environnement humain, bientôt écrire pour correspondre et échanger avec des enfants d’autres régions, et dans le même temps on peut travailler la langue française — mais aussi des informations historiques, géographiques ou biologiques — sur de l’écrit imprimé.

« Le texte libre prend la majesté du texte imprimé », écrit Élise Freinet. « L’imprimerie à l’école fait exister un objet impensé et impensable pour l’école traditionnelle : un « livre de vie ». Ce dispositif condense les aspirations à une école active, à une école du travail et à une école de la vie et, sans être « un apprentissage livresque », il les fait cohabiter avec la tradition de l’apprentissage par le livre.

« Nous avons ainsi, durant l’année scolaire 1924-25, imprimé environ 2 000 lignes qui correspondent à un livre ordinaire de 100 pages. Nous avons donc là notre livre, non seulement copieux, mais vécu, travaillé, scruté ligne à ligne, et dont l’intérêt pour les élèves est tout simplement une révélation » écrit Freinet en 1925.

Le « livre de vie », c’est la possibilité de se passer de ces « outils dogmatiques » que sont les manuels scolaires et plus particulièrement les syllabaires, cible régulière de Freinet, comme celui-ci, que cite Élise dans L’Itinéraire de Célestin Freinet :

« Toto rame, Marie a ri, La mule remue, La tomate mûrira, Le rôti attire le rat, Marie ira à la rue, Riri tuera le rat. »

Ce n’est pas un hasard si le premier livre pédagogique de Freinet s’intitule L’imprimerie à l’école (1927). Et le second Plus de manuels scolaires (1928).

3) Coopérative scolaire

Il faut souligner la précocité et l’importance de la mise en œuvre d’un réseau coopératif dont Freinet est le créateur et le leader. Celui — ci s’exprime surtout par des articles dans la presse. Mais cette expression d’idées appelle la confrontation et la coopération. Elise Freinet a décrit la naissance de ce processus de travail coopératif. Elle a noté avec minutie l’émergence de ce réseau.

« Il travaille pour cette grande idée qui l’anime. Il écrit quotidiennement de longues lettres à ceux qui l’interrogent, accrochant leur intérêt, les retenant, malgré la pauvreté de sa documentation. […]

“Le soir, tardivement, il rédige des circulaires pour les camarades. Il vise à créer cette union permanente des artisans d’une même œuvre. Il est des circulaires tapées à la machine, d’autres tirées à la pâte à polycopier.”

comment Freinet a – t-il expliqué l’idée de la coopération?

Freinet revendique explicitement le bien-fondé de cette position coopérative. Il le montre dans ce passage d’un article paru dans Clarté en 1927 :

“Quand j’eus trouvé l’imprimerie à l’école, j’aurais pu, comme on procède volontiers, […] faire breveter mon invention, faire breveter ensuite, comme Mme Montessori, un matériel qui aurait été à la base de la nouvelle méthode. Mais je me serais écarté, dès l’origine, de la masse des éducateurs dont je n’aurais plus été qu’exceptionnellement l’expression. J’ai pris tout de suite une autre direction. Au lieu de garder le secret de cette découverte, je l’ai versée délibérément dans le creuset coopératif.”

La structuration de la coopération

La structuration de la coopération entre instituteurs se réalise dès 1926-1927. D’abord avec la constitution d’une “Coopérative d’entraide” et la réalisation d’un bulletin de liaison L’imprimerie à l’école . Puis avec la première rencontre nationale des “imprimeurs”, en marge du congrès de la Fédération de l’enseignement, à Tours, en août 1927.

Un an après, la Coopérative d’entraide fusionne avec la Cinémathèque de l’enseignement laïc (organisée pour la circulation de petits films). Le but est de former la Coopérative de l’enseignement laïc (la CEL).

A l’image de cette fusion, la volonté d’une école populaire ira toujours de pair, chez Freinet, avec la pratique d’une école incorporant les techniques nouvelles de communication audio-visuelle ; le titre du bulletin des imprimeurs devient : L’imprimerie à l’école, le Cinéma, la Radio et les Techniques nouvelles d’Éducation populaire.

La CEL vivra jusqu’en 1986, en diffusant les matériels nécessaires aux techniques Freinet et conçus par les praticiens du mouvement : l’imprimerie bien sûr. Mais aussi le magnétophone, les fichiers de travail individuel, ainsi que les publications du mouvement.

Pour des raisons liées au tarifs postaux, en 1926-1927 le “livre de vie” est déclaré comme périodique à la préfecture. Il devient alors “journal scolaire”. En 1927 s’installe aussi la pratique d’une revue. Elle regroupe quelques textes choisis des diverses écoles qui pratiquent l’imprimerie scolaire. C’est La Gerbe, qui va s’organiser selon un rythme mensuel, et dont l’objectif est de faciliter les échanges.

entre des classes — dont le nombre augmente — et aussi de faire connaître ce dispositif à 1 extérieur. D’abord composé à partir d’un tirage complémentaire des textes choisis par l’imprimerie de chaque classe. Très vite la reproduction d’extraits de La Gerbe sera confiée à un imprimeur professionnel pour rendre possible une diffusion large. Des textes d’enfants, plus longs, seront aussi édités dans une série de publications sous le titre Enfantines.

Résultats de la coopération

Ces outils ont permis de se passer des syllabaires et des livres de lecture dans la classe. Mais pour ne plus avoir besoin des autres manuels, les “imprimeurs” devront se doter d’autres outils. En 1929, ce sera l’élaboration du projet de Fichier scolaire coopératif :

“Si nous pouvions, au moment où nous en avons besoin, au moment où les élèves le liraient avec profit, avoir sous la main un choix considérable de lectures, les conditions de nôtre travail seraient grandement améliorées. […] Les lectures, recueillies et classées en collaboration, seraient imprimées au recto seulement, en caractères bien lisibles, illustrées si possible, et prêtes à être collées sur un carton rigide. Chacune des pages ainsi obtenues constituerait une fiche de travail que nous classerions selon un système pratique à étudier.”

Une fois par semaine, les élèves et l’enseignant se réunissent pour une réunion de coopérative. L’ordre du jour se compose de toutes les questions que les enfants ou l’enseignant ont posées via la boite à lettres ou un panneau d’affichage réservé à cet usage. Un élève est le président :

Il donne la parole, reformule les différentes idées et s’assure que tout le monde a la possibilité de s’exprimer. Un autre est secrétaire : il présente l’ordre du jour, rappelle les décisions prises lors du dernier conseil, note les décisions.

4) Les apprentissages fondés sur des situations ≪ vraies ≫

Des projets collectifs permettent des apprentissages multiples. Il peut s’agir, par exemple, de monter une exposition, un spectacle, d’écrire un petit livre illustre…

Certes, c’est une pratique courante dans les maternelles standards. Mais, dans les classes Freinet, les projets sont plus nombreux. L’initiative vient davantage des enfants. la réalisation du projet s’appuie plus sur leur expression libre et singulière. Et le projet est souvent l’occasion d’ouvertures multiples sur l’extérieur :

sorties, invitations d’intervenants dans la classe… Ainsi, les enfants réalisent des jeux d’expression corporelle sur un mur, avec un drap, devant un projecteur de lumière. Ils décident alors de produire un spectacle d’ombres chinoises.

A partir d’un album, ils créent des dialogues sur des thèmes forts pour eux (≪L’orage, c’est comme… ≫. ≪Ce qui me fait peur≫) et s’exercent à les dire avec intonation devant un micro. Ils fabriquent des marionnettes en papier pour créer les ombres chinoises et apprennent à les manipuler.

Avec des instruments de musique, ils imaginent des créations sonores sur le thème du vent, de la pluie, des volets qui claquent. Parallèlement, ils prennent connaissance de tableaux sur le jour et la nuit (Magritte), de vitraux, de lectures sur le thème du Déluge.

La correspondance (qui est souvent collective en maternelle) et le journal scolaire (avec, en maternelle, beaucoup de dessins et peu de texte) sont aussi des grands classiques des techniques Freinet.

5) Liberté et autonomie

Une partie de la journée est toujours consacrée à un moment de travail individuel. Pendant ce temps, les enfants se répartissent librement dans des ateliers de leur choix. ils sont organisés de façon à leur permettre de se servir et de ranger seuls. L’enseignant peut se consacrer à d’autres taches, comme la ≪dictée a l’adulte≫.

Les activités proposées sont très multiplesbeaucoup plus variées que dans les classes Steiner ou Montessori. Ainsi, ≪dans la classe de Claire, on trouve le coin des artistes (une panière de récupération avec cartons, ficelle, colle…). En plus, un coin-écoute (un magnétophone avec une boite de cassettes et des casques), un coin-théâtre de pâte à modeler, une panière de papier blanc pour dessiner. Il y a aussi des puzzles, des jeux de construction. Des ardoises ou l’on peut écrire ce que l’on souhaite, des classeurs de graphisme, des jeux mathématiques. Et un atelier de musique (les deux enfants préposes prennent la caisse d’instruments et vont dans le bureau de la directrice qui jouxte la classe) ≫

 Ailleurs, il y aura des activités découpages et collages, des jeux de société, des jeux d’eau. Et un atelier de transvasement (semoule, riz), des coins-jeux (cuisine, poupée, garage), des marionnettes, une bibliothèque…

Dans certaines écoles, le décloisonnement entre deux classes permet d’offrir davantage de choix aux enfants pour leurs activités libres.

Si les ateliers existent dans toutes les écoles maternelles standards, en revanche, la variété, la liberté de choix des enfants et leur autonomie singularisent les classes Freinet.

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