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Pourquoi les élèves français sont-ils si mauvais en mathématique ?

Le niveau des élèves français de CM1 et de 4e, en mathématiques et en sciences, est inférieur à la moyenne européenne, selon le dernier classement TIMSS* (Trends in International Mathematics and Science Study), datant de 2019 et publié le mardi 8 décembre. Depuis 1995, tous les quatre ans, cette enquête s’intéresse au niveau des élèves de CM1 et de 4e des pays de l’Union européenne et de l’OCDE.

En matière de mathématiques, la France est classée dernière au sein de l’UE dans le classement des élèves de CM1, et les classes de 4e sont avant-dernières. Les scores des écoliers français en mathématiques sont bien inférieurs à la moyenne des pays occidentaux, et ils sont toujours en baisse au collège, selon le classement TIMSS.

Conséquence : en 2019, les lycéens français de 4e ont le niveau des élèves de 5e année de 1995 en mathématiques. En 25 ans, la France a perdu une classe en termes de niveau. Les étudiants français ont néanmoins des points forts, notamment en géométrie, en classe de CM1 par rapport à la note moyenne globale. Pour les 4e, c’est aussi en géométrie que les collégiens se montrent les plus forts, ainsi qu’en statistiques et en probabilités.

Autre constat inquiétant et assez récent : la France n’a plus beaucoup de très bons élèves en mathématiques. Seuls 2 % des 4e ont un niveau avancé, contre une moyenne européenne de 11 %. Ce taux est de 50 % pour Singapour et la Corée du Sud. De plus, 15 % des élèves français n’atteignent même pas le niveau minimum, contre 6 % des élèves européens. La France obtient 483 points contre 511 pour les pays de l’UE et de l’OCDE.

Les élèves français de 4e enregistrent également de mauvais résultats en sciences, avec un score de 489 points, tandis que les pays européens de l’OCDE obtiennent 515 points. La France se place juste devant Chypre, la Roumanie et le Chili, en bas du classement. Les collégiens français ont un point faible particulier en matière de chimie.

Le classement TIMSS a également comparé les performances entre filles et garçons en France. En sciences, les résultats sont comparables entre les deux sexes en CM1 et 4e. En revanche, en mathématiques, les différences de niveau sont plus marquées. En CM1, les garçons obtiennent 13 points de plus que les filles, un écart qui se creuse. Selon TIMSS, le score des filles par rapport aux garçons a baissé de 7 points depuis 2015.

Mais pourquoi les élèves français n’ont-ils pas réalisé de meilleurs résultats en maths ?

Un problème dans la formation des enseignants du primaire

Les résultats de cette enquête TIMSS sont d’autant plus inquiétants qu’ils corroborent d’autres données : «Cela confirme notamment les résultats de l’enquête Cèdre. Il y a une cohérence regrettable », a réagi Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco). Selon lui, plusieurs raisons peuvent expliquer ce faible niveau des élèves en mathématiques. Tout d’abord, il y a un manque d’affinités de certains enseignants du primaire avec la discipline : « Les enseignants des écoles sont majoritairement issus des sciences humaines ou sociales, et rarement des sciences. Ils n’ont donc pas toujours la même facilité à enseigner cette discipline », indique Édouard Geffray. De plus, ces enseignants n’ont pas nécessairement pu bénéficier d’une formation continue sur le terrain.

En outre, il existe un réel problème de recrutement des professeurs de mathématiques du secondaire. Cela signifie que les absences des enseignants ne sont pas toujours comblées rapidement et que le recours aux contractuels est fréquent. Cependant, ces derniers n’ont souvent pas le même niveau dans cette discipline que les enseignants titulaires. Autre souci : les programmes scolaires ne semblent pas assez exigeants sur certains points. « Les problèmes complexes qui nécessitent de multiples opérations sont abordés à la fin de la scolarité, alors que dès le CP, un élève peut réussir. De même, les fractions et les décimales pourraient être abordées plus tôt pour permettre aux élèves de mieux se les approprier », reconnaît Édouard Geffray.

Le plan Vilani-Torossian commence à porter ses fruits

Conscient de la position de cancre des étudiants français, en février 2018, Jean-Michel Blanquer a présenté un plan inspiré du rapport Vilani-Torossian, qui prévoit notamment le développement de la formation continue en mathématiques des enseignants des écoles, via des enseignants référents. « 40 000 enseignants ont déjà été formés depuis 2018 et en 2020-2021, nous allons mettre en place des formations mathématiques pour les contractuels », précise Édouard Geffray. « Par ailleurs, alors qu’en 2015, 53 % des enseignants n’avaient pas reçu de formation continue en mathématiques, ils sont en baisse à 23 % dans ce cas en 2019 », précise Thierry Rocher. Et la réforme de l’INSPE (Institut national supérieur de l’enseignement et de l’éducation) a également permis de revoir la formation initiale des enseignants : « Désormais, 55 % de la formation est dédiée au français et aux mathématiques. Mais il faudra peut-être du temps pour que cela infuse parmi les étudiants », explique Édouard Geffray.

Mais dans les pays qui ont fait des progrès significatifs en mathématiques, « il y a eu un choc sociétal après la diffusion des mauvais résultats dans un bilan international », note Thierry Rocher. En France, il n’y a pas eu de choc Pise ou TIMSS. Cependant, cette prise de conscience collective doit avoir lieu, aussi bien chez les parents que chez les enseignants, pour que chacun se mette en ordre de bataille et que les résultats des élèves français s’améliorent vraiment », insiste-t-il.

Face à ces mauvais résultats obtenus en mathématiques, et pour inverser la tendance, le ministère de l’Éducation nationale met en avant le plan mathématique lancé en 2018. Depuis, 40 000 enseignants du primaire ont été formés. Il y a aussi l’amélioration de la formation continue. C’est un point positif de l’enquête TIMSS pour la France, puisque le nombre d’enseignants déclarant ne pas avoir suivi de formation continue en mathématiques a fortement baissé (53 % en 2015 et 23 % en 2019, pour une moyenne européenne de 28 %), mais pour l’instant, cela n’a aucun effet sur les résultats obtenus par les étudiants.

* L’étude est réalisée par l’IEA (International Association for the Evaluation of Educational Achievement). En France, c’est la Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP, rattachée au ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche) qui pilote cette étude. L’échantillon français du CM1 est composé de 4 186 étudiants de 155 écoles et pour les 4e, de 3 874 étudiants de 150 collèges. Sur l’ensemble de l’enquête, le niveau CM1 est évalué dans 58 pays au total, dans 46 pour le niveau 4e.

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Écrit par
Équipe de BienEnseigner