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Remédiation cognitive :définition, exemples, outils, et formation

La remédiation cognitive est l’ensemble de méthodes destinées à corriger certains déficits cognitifs, en particulier chez les patients souffrant de symptômes schizophréniques.

La schizophrénie se caractérise non seulement par des symptômes (qui permettent d’établir son diagnostic), mais aussi par des troubles cognitifs (qui peuvent favoriser la genèse des symptômes et contribuent directement ou indirectement au pronostic fonctionnel de la maladie).

Tous les patients atteints de schizophrénie doivent bénéficier d’un bilan fonctionnel multidisciplinaire, comprenant une évaluation neuropsychologique. La restitution des résultats de ce bilan fonctionnel doit valoriser les compétences préservées, plutôt que les processus altérés.

Par ailleurs, la remédiation cognitive permet de réduire l’impact des troubles cognitifs. Elle améliore aussi la réussite des projets des personnes qui en bénéficient. Elle doit être envisagée lorsque les troubles cognitifs ont un retentissement fonctionnel (c’est-à — dire des conséquences sur la capacité concrète des personnes à gérer leur quotidien).

Le pronostic de la schizophrénie est hétérogène (certains tableaux cliniques évoluent défavorablement, mais d’autres se stabilisent ou vont vers l’amélioration). Il est impacté favorablement par l’emploi d’une thérapeutique appropriée, médicamenteuse et non médicamenteuse (dont la remédiation cognitive).

La remédiation cognitive : définition

La remédiation cognitive (RC) est une intervention thérapeutique non médicamenteuse destinée à améliorer les processus cognitifs (attention, mémoire, fonctions exécutives, cognition sociale et métacognition), de telle manière que les bénéfices se traduisent concrètement dans la vie du patient et se maintiennent dans la durée.

En plus, la remédiation cognitive s’emploie comme traitement complémentaire dans toutes les pathologies auxquelles des troubles cognitifs sont associés. De même, dans la schizophrénie, son utilisation en pratique courante et les études cliniques qui lui se consacrent sont en rapide expansion.

La remédiation cognitive schizophrénie

Des troubles cognitifs hétérogènes sont associés à la schizophrénie. En plus, ils touchent la neurocognition (cet ensemble de processus qui traite de manière aspécifique les informations comprend la mémoire, l’attention et les fonctions exécutives), la métacognition (processus permettant la prise en compte de son propre fonctionnement cognitif) et la cognition sociale (processus permettant la prise en compte du fonctionnement cognitif et des émotions d’autrui).

La remédiation cognitive et TDAH

Les troubles mnésiques associés à la schizophrénie touchent en particulier la mémoire de travail et l’encodage. En d’autres termes, un trouble de la mémoire de travail peut se traduire par des difficultés à se souvenir des tâches à effectuer, à participer à une conversation qui se prolonge, à lire un livre jusqu’au bout ou à suivre un film.

Par ailleurs, un trouble de l’encodage peut favoriser une baisse du niveau de connaissance général. Et également un manque de souvenirs personnels ou l’oubli de détails. Les troubles attentionnels touchent l’attention sélective (capacité à se focaliser sur quelque chose, en faisant abstraction du contexte). Elles touchent aussi l’attention soutenue (capacité à maintenir son attention dans la durée) et/ou l’attention partagée (capacité à gérer simultanément plusieurs tâches). Un trouble de l’attention sélective peut altérer la capacité à s’investir dans une activité en présence d’interférences.

Par ailleurs, un trouble de l’attention soutenue peut entraîner des difficultés pour lire, pour regarder des films. Et des difficultés aussi pour participer à une conversation. Un trouble de l’attention partagée entrave la capacité à gérer plusieurs tâches simultanément (multitasking).

Les troubles exécutifs affectent l’inhibition, la planification, la flexibilité et/ou le contrôle cognitif. En plus, un trouble de l’inhibition entraîne soit une incapacité à initier des actions, soit une impulsivité et des persévérations. Un trouble de la planification altère la capacité à organiser les étapes d’une séquence d’action. De surcroit, un trouble de la flexibilité entraîne une difficulté à se désengager d’une tâche pour en investir une autre. Un trouble du contrôle cognitif gêne le choix de l’action appropriée au contexte.

Enfin, les troubles exécutifs peuvent favoriser les manifestations de la désorganisation schizophrénique. Les troubles de la cognition sociale et métacognitifs favorisent directement la production des symptômes schizophréniques. Tandis que les troubles neurocognitifs y contribuent de manière non spécifique.

Cognition sociale

L’expression « cognition sociale » désigne un ensemble hétérogène de processus de traitement de l’information sous-tendant les relations interpersonnelles, alors que la métacognition regroupe des processus permettant de se comprendre soi-même en prenant conscience de ses intentions et desseins propres et en construisant une représentation de ses représentations mentales.

Les troubles de la cognition sociale et de la métacognition associées à la schizophrénie affectent en particulier la reconnaissance des émotions, la théorie de l’esprit (capacité à identifier les états mentaux d’autrui et à les distinguer des siens) et le style attributionnel (qui conditionne la manière dont sont interprétés les événements).

Ils peuvent favoriser les symptômes négatifs (par exemple, un retrait social consécutif à l’incapacité de comprendre ce que pense, veut ou ressent autrui) aussi bien que les symptômes positifs (par exemple, une construction délirante secondaire à une incompréhension de ce que pense, veut ou ressent autrui, qui conduit le patient à tenir les autres pour responsable de ce qui lui arrive). Les performances en cognition sociale sont corrélées à la qualité de vie et au handicap fonctionnel.

La schizophrénie

Ces quelques notions montrent à quel point la schizophrénie est une maladie de la cognition. Les troubles cognitifs détériorent sévèrement — directement ou par le biais des symptômes — l’autonomie des personnes qui souffrent de schizophrénie et ils altèrent ainsi considérablement le pronostic fonctionnel de cette maladie. Des relations sociales appropriées, une insertion sociale satisfaisante et une insertion professionnelle réussie requièrent un fonctionnement cognitif préservé, peu altéré, ou une compensation des troubles. Il est ainsi fondamental d’explorer le plus tôt possible le fonctionnement cognitif et de permettre une prise de conscience de ses forces et faiblesses.

Une telle analyse, assortie d’une restitution soigneuse et didactique, permet au patient de mieux composer avec son profil cognitif en s’appuyant sur ses capacités préservées. Des modélisations statistiques ont permis de mieux comprendre les liens entre le profil du déficit cognitif et l’incapacité fonctionnelle qui en résulte. Ainsi, les conséquences des troubles neurocognitifs sur le pronostic fonctionnel s’exercent en grande partie indirectement : elles dépendent des performances métacognitives et en cognition sociale, mais aussi des acquis du patient en termes de gestion du quotidien, de ses compétences sociales générales, de ses symptômes et de sa motivation intrinsèque.

 Les capacités cognitives et la motivation conditionnent toutes deux le pronostic professionnel, sur lequel elles exercent des effets indépendants. Les troubles cognitifs ont, d’ailleurs, plus d’impact sur l’insertion professionnelle que les symptômes positifs et les symptômes négatifs de la schizophrénie. La reprise d’un emploi rémunéré ou de ses études est prédite à plus de 50 % par trois facteurs cognitifs . Par exemple, la mémoire verbale, l’attention et le traitement perceptif précoce, la mémoire de travail et la vitesse de traitement

Comment réduire les troubles cognitifs ?

Avant d’employer la remédiation cognitive, il est nécessaire d’optimiser le traitement psychotrope prescrit au patient. Un traitement insuffisant ou excessif est à l’origine de conditions qui compromettent l’efficacité de la remédiation cognitive.

Dans le premier cas, les troubles cognitifs observés sont généralement secondaires aux symptômes (par exemple un trouble de l’attention consécutif à une intense activité délirante) alors que, dans le second cas, ils sont iatrogènes. Une augmentation de posologie ou un changement d’antipsychotique permet généralement de réduire, voire de faire disparaître, les déficits cognitifs secondaires aux symptômes.

Des troubles cognitifs iatrogènes peuvent être observés : 

  • Lorsque les antipsychotiques sont prescrits à une posologie trop importante (les principaux effets thérapeutiques de ces molécules reposent sur leur action sur les récepteurs D2 post- synaptiques à la dopamine. Mais, au-delà de 80 % de saturation de ces récepteurs les capacités d’apprentissage sont fortement altérées) ;
  • Lorsque les antipsychotiques employés ont une action sur les récepteurs à l’acétylcholine et à l’histamine (toutefois, de tels effets n’impliquent pas systématiquement une iatrogénie cognitive dans la mesure où d’autres mécanismes, dont une action sur les récepteurs à la sérotonine observée en particulier avec certains antipsychotiques de seconde génération, auraient a contrario des effets pro cognitifs.

 Afin de préserver la cognition, il faut donc prescrire les antipsychotiques à la dose minimale efficace et ne pas avoir recours au long cours [sauf exception] aux correcteurs et aux benzodiazépines.

Les antipsychotiques ont ainsi une action essentiellement indirecte sur les troubles cognitifs, à travers la réduction de symptômes pouvant favoriser leur survenue. Leur action sur les troubles cognitifs primaires est par contre limitée, d’où l’importance d’associer des stratégies non médicamenteuses, en particulier la remédiation cognitive.

L’amélioration des performances cognitives

La remédiation cognitive, qui est principalement utile à des patients dont l’état clinique est stable et dont le traitement médicamenteux est prescrit à la dose minimale efficace, permet l’obtention de bénéfices concrets dans le domaine des loisirs, de la vie sociale ou dans le champ professionnel.

L’amélioration des performances cognitives n’est qu’un moyen d’y parvenir. Définir des cibles cognitives est toutefois indispensable afin de sélectionner le programme de remédiation cognitive pertinent et, au sein de celui-ci, les exercices adéquats. La remédiation cognitive commence par une évaluation intégrative multidisciplinaire. Elle permet de définir les troubles cognitifs et leur retentissement, ainsi que les processus préservés sur lesquels le patient peut s’appuyer.

La remédiation cognitive permet de réduire l’impact des déficits cognitifs. Soit en les compensant à travers le développement de compétences alter — natives, soit en entraînant directement les fonctions concernées. Quelle que soit la stratégie employée, l’objectif est de permettre au patient de composer avec ses difficultés. Elle permet de réduire leur impact et de lui permettre d’appréhender au mieux les situations auxquelles il doit faire face.

La cible de la remédiation cognitive de la métacognition et de la cognition sociale est également symptomatique. En effet, elle vise des processus qui sous-tendent la production des symptômes.

Modalités d’application

La remédiation cognitive peut impliquer une restauration du fonctionnement antérieur par entraînement répétitif des fonctions altérées, une stimulation cognitive pour renforcer les facultés préservées, un entraînement cognitif pour favoriser la construction de nouvelles stratégies ou une compensation par l’utilisation de supports externes [orthèses cognitives].

La remédiation cognitive vise ainsi soit une restauration des processus altérés, soit une compensation des troubles. L’approche restauratrice utilise un entraînement des fonctions altérées, alors que la compensation implique l’acquisition de stratégies.

Avant la remédiation cognitive, le thérapeute et le patient définissent ensemble les objectifs de la prise en charge. Ceux-ci découlent directement des besoins et des projets concrets de l’intéressé(e). C’est, par exemple, la capacité à lire qui est visée, plutôt que l’amélioration des performances mnésiques ou attentionnelles ; toutefois, cette amélioration étant un moyen d’y parvenir, elle doit être identifiée par le patient comme un objectif intermédiaire.

L’appropriation par le patient des mécanismes en jeu et la réussite des exercices au fil des séances favorisent sa motivation. Pour que le patient puisse se saisir pleinement du programme qui va être utilisé, il est nécessaire de le lui présenter au préalable quant à son déroulé et à ses principes.

Lors de la remédiation cognitive, durant laquelle le renforcement positif est systématiquement employé, il faut favoriser l’acquisition par le patient de stratégies permettant de réaliser les exercices proposés. Sans oublier la recherche d’un transfert et d’une généralisation des bénéfices. La compensation des troubles cognitifs qui en découle favorise la réussite des objectifs concrets.

L’acquisition de nouvelles stratégies repose sur la construction de réponses efficaces dans la situation artificielle des séances de remédiation cognitive ; il faut ensuite permettre au patient de procéder de manière similaire dans les situations de la vie courante.

Remédiation cognitive : exemple

Par exemple, l’amélioration de la mémorisation du vocabulaire en regroupant les mots par catégories facilite la lecture en améliorant la capacité à retenir [et donc comprendre] le contenu d’une page avant de passer à la suivante.

Le thérapeute aide le patient à construire ses propres stratégies et à en prendre conscience. L’amélioration des capacités exécutives permet à la personne de mieux planifier et organiser son quotidien. Obtenir un transfert des compétences et une généralisation des bénéfices nécessite une répétition importante des exercices. Cela implique des séances rapprochées [deux à trois par semaine dans la mesure du possible] et l’établissement par le thérapeute d’un lien entre acquis des séances et vie quotidienne

Remédiation cognitive : outils

Les programmes de remédiation cognitive disponibles en français sont présentés dans le tableau

Programmes de remédiation cognitive en français

Processus cognitifs visés Programmes       Cognition sociale  
Cognition socialeGaïa, RC2S, ToMRemed
Cognition sociale et métacognitionSCIT
MétacognitionMCT
NeurocognitionCRT, RECOS, REHA-COM
Neurocognition et cognition socialeIPT
  • CRT : Cognitive Remediation Therapy ;
  • Gaïa : remédiation cognitive des troubles du traitement des informations faciales
  • IPT : Integrated Psychological Treatment ;
  • MCT : Metacognitive Training ;
  • RECOS : remédiation cognitive pour la schizophrénie ;
  • REHA-COM : réhabilitation computérisée ;
  • RC2S : remédiation cognitive de la cognition sociale dans la schizophrénie ;
  • SCIT : Social Cognition and Interaction Training ;
  • ToMRemed : remédiation cognitive de la théorie de l’esprit.

De nombreux autres programmes, non traduits à ce jour, existent en d’autres langues. Ces programmes fournissent aux thérapeutes des supports bien construits et éprouvés. La remédiation des troubles neurocognitifs implique une rééducation de la mémoire, de l’attention, des fonctions visuospatiales et/ou des fonctions exécutives. Plusieurs programmes regroupent des exercices ciblant ces fonctions.

Ils sont en général dispensés sous forme de 2 à 3 séances individuelles d’une heure par semaine pendant trois mois. Alors que certains programmes entraînent systématiquement certains processus cognitifs, quel que soit le profil cognitif des patients qui en bénéficient, d’autres ne prennent en compte que les processus déficitaires [selon le bilan neuropsychologique préalable] ayant un retentissement concret sur le fonctionnement des patients.

Certains programmes utilisent un support informatique, d’autres un support papier-crayon, d’autres enfin une combinaison d’exercices informatisés et papier-crayon. Les exercices informatisés ont l’intérêt de pouvoir s’adapter, en termes de difficulté, au niveau initial des patients et de suivre leur progression au fil de la prise en charge.

Remédiation cognitive : formation

Les thérapeutes dispensant la remédiation cognitive doivent bénéficier d’une formation spécifique. Les formations disponibles [dont le diplôme d’université] et les structures mettant la remédiation cognitive à disposition de la population sont recensées sur le site de l’association francophone de remédiation cognitive [AFRC] : le lien est ici.

Où faire de la remédiation cognitive ?

Le neuropsychologue est le professionnel de santé qui va mettre en place la remédiation cognitive. Après une évaluation neuropsychologique, le spécialiste va déterminer la nature et la sévérité exactes des troubles rencontrés.

En fonction des résultats, des propositions de remédiations cognitives vont être faites et discutées avec la personne. La remédiation cognitive sera également intégrée dans le cadre d’une intervention pluridisciplinaire.

Conclusion

La remédiation cognitive a pour objectif d’optimiser les ressources personnelles des patients. En effet, elle diminue leur déficit ou en leur permet de le compenser. Pour être efficace, elle nécessite un apprentissage et une généralisation des bénéfices obtenus en séance dans les situations du quotidien.

La remédiation pédagogique et la remédiation cognitive ont fait la preuve de leur efficacité à travers de nombreux études randomisées et contrôlées et des méta-analyses. Leur efficacité reposerait sur des modifications cérébrales structurales et fonctionnelles. Elle implique une diminution de la perte de substance grise et une augmentation du transfert interhémisphérique d’informations. La remédiation cognitive prend tout son sens lorsqu’elle découle d’un bilan intégratif et a pour objectif le rétablissement.

Sources :

  • Kurtz MM. Cognitive remediation for schizo-phrenia: current status, biological correlates and predictors of response. Expert Rev Neu-rother 2012; 12:813—21.
  • Nicolas Franck, Caroline Demily, Améliorer le pronostic fonctionnel de la schizophrénie avec la remédiation cognitive, tome 44 > n83. mars 2015, Presse Med. 2015 ; 44 : 292–297

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